Pacte Dutreil - Une interprétation stricte très favorable au contribuable

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Patrimoine 14/06/2022

Pacte Dutreil - Une interprétation stricte très favorable au contribuable

ODDO BHF2 Minutes
La période des déclarations de revenus vient de s'achever et le rythme de l'actualité fiscale va retourner à la normale. Nous guettons avec impatience les projets en matière de fiscalité du nouveau gouvernement sous réserve qu'il parvienne à se maintenir. Néanmoins pendant cet intermède nous avons eu une bonne nouvelle concernant l'application du dispositif « Dutreil » destiné à faciliter la transmission des entreprises.

Pour rappel, la loi prévoit un abattement partiel notamment sur la valeur des titres de société transmis à titre gratuit dès lors qu'un certain nombre de conditions sont respectées. Parmi celles-ci la société dont les titres sont concernés doit exercer une activité « éligible ». Concrètement, la société doit poursuivre une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale. Sont donc exclues notamment les activités civiles de gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier par une société. Par opposition, on sait aussi qu'une société holding animatrice effective de son groupe exerce une activité éligible si son actif immobilisé est principalement constitué de filiales ayant une activité éligible qu'elle anime et contrôle. 

Précision supplémentaire en ce qui concerne la condition d'activité, celle-ci doit être satisfaite à l'évidence lors de la conclusion de l'engagement de conservation, mais aussi lors de la transmission et du point de vue de l'administration, jusqu'au terme des engagements collectifs et individuels pris par les héritiers ou donataires.

Dans un cas d'espèce, une société holding animatrice dont les titres avaient été inclus dans un engagement de conservation puis transmis, avait cessé d'exercer de manière prépondérante son activité postérieurement.  L'administration ayant contrôlé la donation a notifié un redressement aux donataires pour non-respect de cette condition. L'affaire a été portée devant les juridictions jusqu'à la Cour de cassation, laquelle a décidé que le fait pour une holding animatrice de cesser, postérieurement à la transmission à titre gratuit de ses titres, d'exercer de manière prépondérante son activité éligible ne pouvait pas entraîner la remise en cause du régime de faveur !  L'arrêt de la Cour d'appel qui avait validé le redressement est donc cassé sans renvoi au motif que les conditions d'application du régime dont la loi ne prévoit pas qu'elles doivent être respectées tout au long des engagements doivent s'apprécier à la date du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire lors de la transmission des titres. Par cette décision, la Cour invalide la doctrine administrative et sécurise le régime « Dutreil » en ne sanctionnant pas la cessation de l'activité éligible au-delà du fait générateur. On peut même ajouter que le point « e » de l'article 787 B du CGI prévoit explicitement que : « La déclaration de succession ou l'acte de donation doit être appuyé d'une attestation de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été remplies jusqu'au jour de la transmission. La condition spécifiée au « a » étant la condition d'activité éligible.

Cette décision en date du 25 mai 2022 très favorable aux contribuables doit pouvoir s'appliquer à toute société et pas seulement aux holdings animatrices pour les opérations passées. Toutefois, l'administration ne devrait pas tarder à réagir et à solliciter le législateur pour modifier la loi. En effet, même contraire à la loi, le point de vue de l'administration ne semblait pas illogique au regard de l'économie générale du dispositif et de l'importance de l'abattement accordé.

Au-delà de ce dispositif, cette décision nous parait intéressante en ce qu'elle est l'application d'un principe dont l'existence formelle manque cruellement à notre système fiscal au regard de son effrayante complexité : la loi fiscale devrait être interprétée, appliquée et jugée dans l'intérêt du contribuable. Nous sommes aujourd'hui très loin du compte. Ce serait pourtant la marque indiscutable d'un Etat au service d'une société de confiance*.

* La Loi du 10 août 2018 intitulée « loi pour un État au service d'une société de confiance » instaure le principe du « droit à l'erreur » et modernise le rapport entre le public et l'administration par une série de dispositions concrètes.

 




Jérôme Chigard
Directeur de l'Ingénierie Patrimoniale
Rédigé le 14 juin 2022

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