Economie mondiale – Politique absurde, Risques baissiers
- L’économie mondiale a bien tenu jusqu’ici mais les perspectives sont assombries
- Des craquements inquiétants se font entendre sur le marché du travail américain
- La Fed devrait baisser ses taux directeurs plusieurs fois au cours des prochains mois
- A l’opposé, la BCE considère qu’elle a bien recalibrée sa politique monétaire
- L’Allemagne s’est défait de son corset budgétaire mais le plan d’investissement reste à venir
- La France, surendettée et politiquement bloquée, s’expose à la sanction des marchés financiers
Après plus de six mois de présidence Trump, marquée par des ruptures dans des domaines aussi variés que le commerce international, la géopolitique, l’indépendance de la banque centrale, l’économie mondiale n’a pas dévié de sa trajectoire. Au premier semestre, nous estimons que le PIB réel a progressé de 3% l’an à l’échelon global, à peine moins qu’en 2023 et 2024. Une tendance à 3%, c’est aussi ce que prévoit désormais le FMI sur les deux prochaines années. Faut-il en conclure que Trump, c’est beaucoup de bruit pour rien ? On aimerait s’en sortir à si bon compte mais c’est peu probable.
Certaines des déclarations tonitruantes du président américain n’ont, il est vrai, pas eu de réalisations concrètes, par exemple sa promesse de mettre fin aux conflits dans le monde en quelques jours. Par ailleurs, il est dans la nature des phases d’expansion de ne connaître que des évolutions lentes et graduelles. Les conditions économiques ne s’ajustent vite que s’il y a une crise financière, une pandémie, une guerre. La réaction négative des marchés au choc tarifaire de « Liberation Day », début avril, a pu faire craindre un tel scénario. Le risque de récession avait monté. Cette annonce a été suivie de reculades et d’aménagements divers retardant la mise en place des nouveaux tarifs. Quand un droit de douane annoncé le lundi peut être suspendu le mardi ou aggravé le mercredi, le mieux est d’attendre. L’incertitude, portée à un point extrême, conduit à l’immobilisme. Mais cela n’a qu’un temps.
En ce qui concerne les droits de douane, la dernière grille en date représente un léger repli comparé aux annonces de « Liberation Day », sauf quelques exceptions (Suisse, Inde, Brésil). La trêve avec la Chine a été étendue jusqu’en novembre. L’UE, le Japon, et quelques autres pays ont conclu des accords commerciaux avec les Etats-Unis. Aucun n’est garanti par un traité juridique en bonne et due forme, mais du moins, cela donne un peu de visibilité aux entreprises concernées. Sur la base de ces annonces, le tarif douanier moyen monterait un peu au-dessus de 15% (2.5% en janvier, 10% en juin). Selon deux décisions de justice, la moitié de ces mesures ne seraient toutefois pas légales. Elles restent en place en attendant un avis définitif de la Cour Suprême d’ici quelques mois. En cas de rejet, l’administration Trump dispose d’autres voies juridiques pour aboutir au même résultat. En somme, le choc tarifaire est considérable, mais il est vu comme un peu moins disruptif qu’il y a quelques mois.
Un autre point du programme de Trump a été réalisé avec l’adoption du « Big Beautiful Bill Act » qui pérennise des baisses d’impôts votées en 2017 et en ajoute quelques autres. Cela évite d’alourdir la pression fiscale sur les ménages au début 2026. Cela dit, hormis à la Maison Blanche, nul n’en attend une forte stimulation de la croissance. En fait, ce plan a surtout pour effet de repousser tout effort de réduction du déficit fédéral (actuellement un peu supérieur à 6% du PIB). La tension sur les taux longs, qui reflète pour une part une hausse de la prime de terme, suggère que les investisseurs ne sont pas à l’aise avec cette situation. Cela pèse indirectement sur le coût des crédits hypothécaires et prolonge le marasme du secteur de la construction.
Le président américain a multiplié dernièrement ses attaques contre la Fed. Il ne s’agit plus seulement d’insulter Jerome Powell mais aussi de placer une majorité de « fidèles » au Board de la Fed avec en vue la révocation possible des présidents de Fed régionale, autrement dit un coup de force au FOMC. Un poste vacant s’est opportunément ouvert début août. Un autre pourrait suivre si le limogeage d’un gouverneur est approuvé par les tribunaux. Pour Trump, contrôler la Fed, cela permettrait d’accélérer la baisse des taux mais ce serait aussi, le cas échéant, un moyen de monétiser la dette fédérale. Une telle éventualité, purement virtuelle à ce jour, est de nature à élever les anticipations d’inflation à moyen terme. C’est un risque haussier pour les taux et baissier pour le dollar.
Aux Etats-Unis, la bonne résistance de l’activité économique jusqu’à ce jour ne veut pas dire qu’une correction ne surviendra pas plus tard. Le marché du travail américain accumule des signaux de plus en plus négatifs. Pour certains observateurs éclairés, on est proche de la vitesse de calage. Du fait d’une inflation persistante, les gains salariaux réels se modèrent de sorte que les dépenses des ménages, le cœur du réacteur de la croissance US, tendent à faiblir. Un coup de grisou sur l’emploi pourrait provoquer un retranchement bien plus marqué. Le cycle des affaires présente un fort risque d’affaiblissement à court terme. La Fed en a pris conscience et semble prête à reprendre dès ce mois-ci le cycle de baisse des taux interrompu depuis neuf mois. Toutefois, les tensions opposées sur son double mandat limitent sa marge de manœuvre.
Dans le reste du monde, le cycle des affaires reflète en partie les soubresauts de la croissance US. Au T1, avant la mise en place des droits de douane, la demande US de produits étrangers a bondi (accumulation de stocks), elle a rechuté ensuite au T2. Il est trop tôt pour identifier des changements plus fondamentaux dans la structure des échanges mondiaux. Les pays d’Asie qui servaient de zone de transit pour les exportations chinoises voulant échapper aux tarifs de 2018 sont menacés de surtaxe. La Chine dont la croissance dépend beaucoup des exportations (puisque la demande domestique reste atone) va donc chercher d’autres routes et d’autres débouchés.
A ce titre, l’Europe est doublement menacée : sur le marché US, ses exportations sont moins compétitives, sur son marché domestique, elle subit la concurrence de la Chine. L’Europe qui renâclait en avril à subir un tarif réciproque de 10% a fait bonne figure pour accepter 15% en août (Trump ayant brandi la menace de 50%). L’Allemagne est vulnérable, malgré l’accommodement sur les tarifs automobiles. C’est pourquoi le nouveau gouvernement cherche un nouveau moteur de croissance en stimulant les dépenses d’investissement. A ce jour, le climat des affaires a bien réagi mais force est de constater que ce plan de relance tarde à se matérialiser. C’est pourtant là-dessus que repose en partie l’espoir d’une accélération de la zone euro. L’autre facteur de reprise est une baisse, ce jour elle aussi différée, d’une baisse du taux d’épargne. Pour la BCE, l’inflation étant normalisée et le marché du travail plutôt solide, le cycle de baisse des taux est terminé.
Quant à la France, presque rien n’a changé en un an, avec les mêmes interactions toxiques entre la situation politique et sociale (blocage, déni) et les impératifs budgétaires (réduction des déficits). Les marchés exigent une prime de risque plus élevée sur la France, c’est logique. Deux gouvernements sont tombés un moins d’un an. Les ménages et les entreprises sont légitimement inquiets de l’instabilité fiscale et des projets de hausse d’impôt et ont levé le pied sur leurs projets d’investissement.
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