Economie mondiale – Entre risques et résilience
- En avril dernier, le monde allait vers la récession, les marchés vers le krach
- Six mois plus tard, le pire a été évité. L’économie mondiale a montré sa résilience
- Cela tient à l’absence d’escalade sur les droits de douane et au boom de l’IA
- Toutefois, il y a des doutes sur le niveau de valorisation des marchés
- Les trajectoires de dette ne sont pas soutenables aux Etats-Unis et en France
- Au plan macroéconomique, la prudence reste de mise.
Il est encore un peu tôt pour faire un bilan complet de 2025 mais si on compare les conditions économiques actuelles avec ce qui était anticipé il y a six mois, force est de constater que le pire a été évité. En ce qui concerne le cycle économique, le pire c’est une récession. En ce qui concerne les marchés, c’est un krach. Après l’annonce des « tarifs réciproques » début avril, ces risques étaient bien présents. A un moment, les indices boursiers US ont touché le seuil critique d’une baisse de 20% du pic au creux. Le choc pouvant conduire à la stagflation, c’est-à-dire à la fois peser sur l’activité et créer de l’inflation, les perspectives économiques ont été révisées en conséquence. Dans les jours et semaines qui ont suivi Liberation Day, le consensus avait coupé ses anticipations de croissance US de 0.8point pour 2025 et relevé ses attentes d’inflation de 0.4 point. Le FMI abaissait ses prévisions de croissance mondiale de 0.5 point pour 2025 et de 0.3 point pour 2026.
Où en est-on six mois plus tard ? Du côté des marchés financiers, il n’y a pas eu de krach. Les valorisations sont souvent au plus haut de leur histoire, depuis certains indices boursiers jusqu’à l’or. Curieusement, ce sont là deux actifs censés réagir à des risques diamétralement opposés. Passons. Du côté de l’économie réelle, il n’y a pas eu de récession. Le thème dominant est celui de la résilience. Dans ses prévisions d’octobre, le FMI a revu à la hausse sa prévision de croissance mondiale de 0.2 point pour 2025, après une révision similaire juillet. En somme, l’économie mondiale n’a pas beaucoup dévié de sa tendance normale qui est une hausse du PIB réel légèrement supérieure à 3%.
Pourquoi cette résilience ? Il y a une combinaison de facteurs. Primo, le choc tarifaire est certes d’une ampleur inédite mais il est moindre que les annonces initiales. Après une phase de tensions entre les Etats-Unis et la Chine, les deux géants ont vu leur intérêt mutuel à faire des compromis et des replis tactiques (le fameux effet-TACO). Cette trêve est fragile, comme l’ont montré de nouvelles frictions ces derniers jours, mais elle dure depuis six mois. Il n’y a pas eu de ruptures des chaînes d’approvisionnement global. Beaucoup d’autres pays ont conclu des accords commerciaux avec l’administration Trump, acceptant une hausse des droits de douane et obtenant en retour une plus grande visibilité. En somme, les Etats-Unis ont monté leurs droits de douane et le reste du monde s’est abstenu de répliquer. Cette absence d’escalade a atténué les effets du choc et fait reculer l’incertitude.
Secundo, les acteurs du commerce international ont profité du délai entre l’annonce et la mise en place des droits de douane pour opérer des manœuvres de contournement. Les importateurs US ont massivement accru leurs achats de marchandises étrangères avant la vague initiale des tarifs (avril), puis avant la vague finale (août). Tant que ces inventaires ne sont pas épuisés, la répercussion sur les prix de détail est minime. La Chine a rerouté une partie de ses exportations pour compenser la fermeture du marché américain. Le résultat est paradoxal : au S1 2025, le commerce mondial a rarement été aussi dynamique (abstraction faite des rebonds techniques de 2009 et 2020). Selon le CPB, spécialisé sur ces questions, le volume des échanges de marchandises a progressé d’environ 6% l’an jusqu’à l’été 2025, soit le double de la croissance du PIB mondial. Depuis la crise financière de 2008, le commerce progresse en général un peu moins vite que le PIB.
Tertio, la solidité de l’économie US doit beaucoup au boom d’investissement lié à la révolution de l’intelligence artificielle. Il y a d’ailleurs un lien direct avec le dynamisme du commerce mondial. D’après le WTO, l’essor du commerce de semi-conducteurs, serveurs et équipements de télécommunication a contribué pour près de la moitié à la hausse des échanges de marchandises au S1 2025. Même s’il est admis que l’IA aura des répercussions positives sur la productivité – quoique sur un horizon indéterminé – de plus en plus d’observateurs soulignent aussi des similitudes avec la bulle dot.com (concentration, valorisations). Interrogé récemment à ce sujet, le président de la Fed notait avec prudence que les prix des actions étaient assez élevés. Pour mémoire, entre la fameuse remarque de son prédécesseur Alan Greenspan sur « l’exubérance irrationnelle » en décembre 1996 et l’explosion de la bulle dot.com en mars 2000, il s’est écoulé plus de trois ans. Pour l’instant, l’inflation des prix d’actifs crée un effet de richesse qui profite à certaines catégories de consommateurs.
Toutefois, la résilience de l’économie globale peut être mise à mal car parmi les facteurs positifs qu’on vient d’évoquer, il y en a beaucoup qu’on peine à extrapoler. Vu les niveaux atteints, une correction des marchés est possible et viendrait durcir les conditions financières. Il y a eu plusieurs faillites récentes aux Etats-Unis rappelant de mauvais souvenirs (excès d’endettement, pratiques comptables douteuses). Il y a aussi des signes que le rythme des dépenses liées à l’IA se modère, notamment dans la construction des data centers.
La vigueur récente du commerce mondial n’a rien de structurel. En réalité, les barrières tarifaires et non-tarifaires n’ont jamais été aussi hautes depuis des décennies. Cela rendra les échanges moins fluides et plus coûteux à l’avenir. Les effets négatifs du choc sont simplement décalés dans le temps. A ce propos, l’Europe est spécialement sous pression. D’un côté, ses produits sont moins compétitifs aux Etats-Unis. De l’autre, elle subit la concurrence de la Chine dans des secteurs où elle était jadis en position de force. Ces deux phénomènes se renforcent. Plus la Chine démontre son avance technologique, plus les Etats-Unis lui ferment son marché, plus la Chine fait le forcing sur le marché européen. La tenaille se resserre. En regard, les éléments de nature à renforcer la croissance européenne restent à ce jour hypothétiques : mise en œuvre effective et rapide du plan de relance allemand, réveil du consommateur après la fin du choc d’inflation.
L’économie US n’est pas non plus sans fragilités. Les écarts entre secteurs ou agents ont pris des proportions hors normes : l’IA en plein boom, la construction dans un marasme profond, le Top 20% dans une frénésie de dépenses, le reste des consommateurs inquiets de l’affaiblissement de l’emploi et craignant un sursaut d’inflation. En toile de fond, la politique économique reste disruptive, qu’il s’agisse du commerce, de l’indépendance de la banque centrale, de la politique migratoire, des relations internationales. Au total, la balance des risques penche vers le bas. Tiraillée entre des injonctions contraires (inflation trop haute, marché du travail plus faible), la Fed a baissé ses taux en septembre et a toute raison de poursuivre en ce sens dans les prochains mois.
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