Le rentier va mieux

Actualités & Presse

Point marchés 15/03/2023

Le rentier va mieux

ODDO BHF5 Minutes

 

laurent denize.jpg

 

 

Laurent Denize – Global Co-CIO ODDO BHF

 

 

Alors que nous finissions l’année 2022 sur des anticipations de croissance nulle, voire de récession modérée, l'économie mondiale surprend. Au point de passer de craintes d'une croissance trop faible… à des craintes d'une croissance trop forte, ce qui pourrait obliger les banques centrales à relever les taux plus qu’anticipé pour maîtriser l'inflation.

Cette crainte est particulièrement visible aux États-Unis. Le déflateur PCE de base a augmenté de 0,6 % en janvier, alors que les prévisions tablaient sur une hausse de 0,4 %. La composante prix payés de l'indice ISM manufacturier a quant à lui bondi à 51,3 contre 44,5 le mois dernier. Depuis début février, l'estimation par le marché du pic de taux des fonds fédéraux a augmenté de 60 points de base pour atteindre 5,50 % entrainant une hausse du rendement des obligations d’Etat à 10 ans de 67bp de 3,40 % à 4,07 %.

Nous avions réduit sensiblement la duration de nos portefeuilles en réaction à la succession de chocs inflationnistes depuis 3 ans. Il est aujourd’hui opportun de s’interroger sur son allongement notamment via un potentiel repositionnement sur les obligations souveraines américaines.

Quelle relation entre le taux des banques centrales et les taux à 10 ans ?

La Réserve fédérale mettra à jour ses projections économiques et de taux d'intérêt lors de sa réunion dans le courant du mois. Les investisseurs auront certainement une idée plus précise de la trajectoire future des taux des fonds fédéraux. Pour autant une grande incertitude subsistera quant à l'ampleur de la hausse du rendement du Trésor américain à 10 ans.

Par exemple, au cours du cycle de resserrement 2004-2006, le taux des fonds fédéraux a atteint 5,25 % et le rendement du Trésor à 10 ans a culminé à peu près à ce même niveau. Aujourd'hui, la Fed s'apprête à porter les taux courts à des niveaux similaires, mais le rendement du Trésor à 10 ans est beaucoup plus faible. Devons-nous nous attendre à un rendement du Trésor à 10 ans de 5 % pour ce cycle ? Probablement pas.

Pour comprendre pourquoi, nous pouvons utiliser un modèle simple pour estimer le rendement du Trésor à 10 ans basé sur le taux des fonds fédéraux, les prévisions d'inflation et la croissance potentielle du PIB. Le modèle montre que la principale différence entre le milieu des années 2000 et aujourd'hui est que la croissance du PIB potentiel est beaucoup plus faible, ce qui implique un taux d'intérêt d'équilibre plus bas. 

Si nous maintenons les prévisions d'inflation (2.5% issues des données de marchés des points morts d’inflation) et la croissance potentielle du PIB constantes (1.5%) et supposons que le taux des fonds fédéraux augmente à 5,25 %, le modèle nous donne un rendement du Trésor à 10 ans autour de 4 %. Même si nous poussons le taux attendu des fonds fédéraux à 6 %, la valeur estimée par le modèle atteint tout juste 4,25%. La sensibilité aux taux courts diminue avec la hausse des taux, ce qui est intuitif. À la lumière de cette analyse, on comprend bien que, toutes choses étant égales par ailleurs, tout mouvement au-dessus de 4 % du rendement du Trésor à 10 ans est une opportunité d'achat.

Quid des hypothèses d’inflation et de croissance ?

Notre chef économiste prévoit une croissance aux Etats unis de 1,5% en 2023, nous ne prenons pas de pari actif sur l’inflation et utilisons le point mort à 10 ans. Dans l’éventualité où l’inflation repartirait à la hausse de manière importante, il est évident que la décision d’augmenter la duration devrait être revisitée. En revanche, le risque de récession, même s’il a considérablement baissé pour 2023, ne peut être écarté pour 2024. Le risque est donc à la baisse sur la croissance, favorisant d’autant plus une repondération obligataire.

De plus, n’oublions pas que 4% de rendement apporte également du portage et permet de limiter partiellement voire totalement la perte en capital en cas de hausse des taux. Tant que les taux ne montent pas au-delà de 4.42% vous ne perdez pas d’argent au 31 décembre 2023, une hypothèse qui parait assez raisonnable dans le contexte actuel.

Quelle stratégie par classe d’actifs ?

Actions : Nous restons constructifs mais un peu plus prudents en raison du rebond récent et revenons à une neutralité voire une légère sous pondération notamment sur les actions américaines. N’oublions pas par ailleurs que les effets des resserrements monétaires vont commencer à se faire sentir et peuvent peser sur la croissance et donc les marges. Nous considérons aujourd’hui que le rendement offert par les actions américaines de 5.4% (avec un multiple de résultats « forward 12 m » de 18.5x) n’offre pas de valeur relative par rapport à du cash sans risque qui devrait bientôt offrir les mêmes rendements…

En revanche, la configuration du marché européen est un peu différente. L’Eurostoxx 50 offre une perspective de rendement de 8% largement au-dessus des taux monétaires ou même obligataires y compris les obligations haut rendement proches de 6%. Nous vous conseillons donc de privilégier en relatif les actions de la zone euro, de revisiter les valeurs de croissance à prix raisonnable, mais toujours pas de se repositionner sur les valeurs de petite capitalisation. 

Au niveau géographique, en dehors de l’Europe, nous restons positifs sur les actions chinoises domestiques et les actions japonaises.

Obligations: Sur le Crédit, nous diminuons globalement la duration des portefeuilles et arbitrons vers des maturités courtes aussi appelées short duration. En ce sens, nous diminuons le risque crédit après un resserrement des spreads impressionnant. En revanche, puisque c’est l’objet de notre propos aujourd’hui, nous allongeons la duration des portefeuilles avec des obligations souveraines essentiellement américaines. Ajouter de la duration offre de la diversification et du portage. 

Gestion du risque : Pour ceux qui le peuvent, il est également possible d’ajouter de la convexité dans les portefeuilles avec l’achat d’options de vente sur les indices actions. La volatilité a fortement baissé et permet avec quelques dizaines de points de base de protéger efficacement un portefeuille en cas de correction boursière. A l’inverse, vous bénéficierez toujours de l’exposition en cas de poursuite du mouvement haussier sur les actions. 

En conclusion, il est temps de replier un peu les voiles et de favoriser une nouvelle fois le portage. L’environnement de taux évolue si vite qu’il offre des opportunités d’arbitrage pour construire des portefeuilles très diversifiés, robustes et beaucoup moins risqués qu’en période de taux nuls. Fin de l’euthanasie du rentier, finalement une très bonne nouvelle.

 


 

 


 


 

 

 

Avertissement

Ce document a été préparé par ODDO BHF dans un but purement informatif. Il ne saurait créer de quelconques obligations à charge de ODDO BHF.  Les opinions émises dans ce document correspondent aux anticipations de marché de ODDO BHF au moment de la publication de document. Elles sont susceptibles d’évoluer en fonction des conditions de marché et ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité contractuelle de ODDO BHF. Toute référence à des valeurs individuelles a été incluse à des fins d'illustration uniquement. Avant d'investir dans une quelconque classe d'actifs, il est fortement recommandé à l'investisseur potentiel de s'enquérir de manière détaillée des risques auxquels ces classes d'actifs sont exposées notamment le risque de perte en capital.

 

 

 

ODDO BHF

12, boulevard de la Madeleine – 75440 Paris Cedex 09 France – Tél. : 33(0)1 44 51 85 00 – Fax : 33(0)1 44 51 85 10 –

www.oddo-bhf.com ODDO BHF SCA, société en commandite par actions au capital de 70 000 000 € – RCS 652 027 384 Paris – agréée

en qualité d’établissement de crédit par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et immatriculée à l’ORIAS en

 qualité de courtier d’assurance sous le numéro 08046444. - www.oddo-bhf.com


Partager

Nos actualités

Les actions, indétrônables à long terme Point marchés 19/04/2024

Les actions, indétrônables à long terme

Trois économistes britanniques, Paul Marsh et Mike Staunton de la London Business School ainsi qu’Elroy Dimson de l’Université de Cambridge, ont entrepris une méticuleuse aventure : ils ont retracé 35 marchés actions partout dans le monde en remontant aussi loin que possible dans le temps, afin de répondre à une question théorique fondamentale en matière d’investissement : les actions sont-elles véritablement supérieures à toutes les autres classes d’actifs sur le long terme ?

L’heure de vérité pour les dettes publiques Perspective économique 18/04/2024

L’heure de vérité pour les dettes publiques

Les crises économiques laissent en héritage un fardeau de dettes publiques. Les phases d’expansion devraient être mises à profit pour que les Etats se désendettent et reconstituent des marges de stabilisation budgétaire. C’est plus facile à dire qu’à faire. Voyons ce qui s’est passé après les deux dernières grandes crises.

La fin du rêve américain Point marchés 13/04/2024

La fin du rêve américain

Nous avouons entretenir un “biais” stratégique en faveur du marché américain et les 15 dernières années nous donnent raison. Depuis la fin de la crise financière de 2007-2008, l’Europe n’a surperformé que durant 27 mois, soit un peu plus de deux ans. La surperformance structurelle des États-Unis par rapport à l’Europe s’explique principalement par une dynamique des bénéfices par action plus robuste outre-Atlantique.