Fiscalité : Ils sont fous, ces Gaulois ?

Perspectives d'investissement
17.11.2025
5 Minutes
  • La France présente désormais l’une des pires situations budgétaires d’Europe
  • A la différence de tous ses voisins, son taux d’endettement public a augmenté ces dernières années
  • Le déficit budgétaire ressortira à 5.4% du PIB en 2025 contre moins de 3% pour la zone euro
  • Il y a un déni collectif sur les sources des déficits
  • Politiquement, il est facile de pointer du doigt les « riches » et de les accabler d’impôt
  • La vérité est que le système social est devenu trop généreux et, partant, insoutenable

Dans la célèbre bande dessinée Astérix, qui depuis des décennies raconte les aventures d’un village de Gaulois résistant aux armées de César, les héros concluent souvent leurs pérégrinations en s’exclamant : Ils sont fous, ces Romains !

De nos jours, la folie, du moins la folie fiscale, n’est pas à Rome, ni à Berlin ou Bruxelles. Elle est concentrée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale française où depuis quelques semaines les députés font assaut d’imagination pour créer de nouvelles taxes ou alourdir celles, nombreuses, qui existent déjà. Le but est d’accroitre les recettes fiscales en vue de réduire le déficit budgétaire des administrations publiques.

En 2024, ce déficit représentait 5.8% du PIB, cette année, il devrait atterrir à 5.4%. C’est un petit progrès. A titre de comparaison, le déficit budgétaire en zone euro était de 3.2% du PIB en 2024 et passera en moyenne sous le seuil de 3% cette année. Nul ne peut nier qu’il existe un gros problème budgétaire en France, mais il tient beaucoup moins aux recettes qu’aux dépenses publiques.

La France a déjà l’un des taux de pression fiscale les plus élevés du monde. Elle a aussi un système de protection sociale parmi les plus généreux qui soient. Selon l’INSEE, le ratio entre le niveau de vie des 10% les plus riches et des 10% les plus pauvres est de 18 avant redistribution. Il tombe à 3.5 après redistribution. Pour autant, d’éminents spécialistes jugent que les inégalités sont criantes si l’on monte encore plus haut sur l’échelle des revenus. Dans une note du EU Tax Observatory de mars dernier, cosignée par le désormais célèbre Gabriel Zucman, il apparaît – horreur – que la France compte 147 milliardaires, un record d’Europe devant l’Allemagne à 128. Une petite taxe sur leurs actifs pourrait rapporter pas mal de milliards.

Pendant des semaines, les médias, surtout du service public, ont mené une opération de lavage de cerveau pour convaincre les Français qu’une « taxe Zucman » à 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros contribuerait non seulement à l’effort de consolidation budgétaire mais serait un gage de « justice fiscale ». Il a ensuite été question d’une « taxe Zucman » dite light qui avait la particularité d’augmenter le taux de la taxe à 3% et d’étendre son assiette à partir de 10 millions. Les députés n’ont pas voté de « taxe Zucman », mais ils en ont voté bien d’autres alourdissant la pression fiscale sur les bénéfices des sociétés, les holdings, les hauts revenus, les hauts patrimoines, les multinationales, etc. Lors de son passage de l’Assemblée au Sénat, le projet de budget sera vidé d’un bon nombre de ces mesures, obligeant à trouver un compromis qu’on peut espérer plus raisonnable.

Reste que la question de l’assainissement des comptes publics doit être une priorité en France. Il peut certes arriver dans la vie d’une nation qu’un choc violent et inattendu amène l’Etat à mener des actions correctrices de grande ampleur impliquant de larges déficits et une hausse de l’endettement. Ce fut le cas après la crise financière en 2008. A nouveau lors de la pandémie en 2020. Depuis début 2022, les pays européens ont tous engagé des efforts de désendettement : -44 points pour la Grèce, -33 pour le Portugal, -14 pour l’Espagne, -10 pour l’Italie, -3.5 pour l’Allemagne (qui partait d’un faible niveau). L’exception est française : le ratio de dette a gagné 2 points pour atteindre 116% du PIB.

Trois points à retenir pour quiconque veut sérieusement aborder le problème des déficits publics en France, comprendre leur origine et tenter d’y apporter des solutions.

Point 1 – La source profonde de ces déficits chroniques tient en large partie aux dépenses sociales, et spécialement aux charges de retraite. En 2024, sur les 169 milliards de déficit budgétaire, la comptabilité nationale en impute la quasi-totalité (91%) à l’Etat. Nombre de spécialistes des finances publiques jugent que cette présentation est trompeuse car en réalité l’Etat subventionne largement les collectivités locales et la sécurité sociale, notamment pour éviter de faire apparaître un déficit du régime des retraites du secteur public. Correction faite de ces artifices comptables, le déficit total ne change pas certes, mais la contribution de l’Etat est ramenée à 29%, et celle de la sécurité sociale monte à 40%. C’est là que l’effort doit porter.

Point 2 – Le financement des retraites dépend avant tout de l’évolution entre nombre de pensionnés et d’actifs cotisants. De 1991 à 2025, la population française a augmenté de 10 millions d’individus, dont 6.5M de plus de 65 ans. La part des personnes en âge d’être à la retraite est passée en l’espace d’une génération de 14% à 22% du total. C’est juste le moment où le gouvernement a consenti pour assurer sa survie politique à suspendre la réforme des retraites de 2023 qui retardait l’âge légal d’ouverture des droits. Avec une population dont la durée de vie s’allonge, il est inconséquent de garder inchangés les paramètres du système de retraite, qu’il s’agisse de l’âge de départ, de la durée et du taux de cotisation et, ultime tabou, du montant des pensions.

Point 3 – Le déséquilibre entre générations est en train de s’accentuer. En 2025, pour la première fois de son histoire, sauf période de grandes guerres ou d’épidémies, la France enregistrera moins de naissances que de décès. Avec si peu de naissances, les charges liées au vieillissement vont peser sur de moins en moins d’épaules. Les pays développés connaissent tous un effondrement de leur fécondité. La France, pourtant pas la plus mal lotie, ne fait pas exception. Cette évolution anthropologique majeure ramène les débats budgétaires à l’Assemblée à leur juste proportion : du mauvais théâtre où tous les partis cherchent des expédients (de nouveaux impôts) plutôt que d’attaquer le mal à sa racine. Un énième impôt sur les riches ou les entreprises ne couvrira pas l’alourdissement des charges d’un Etat-providence devenu trop généreux.

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